Le travail des enfants et la pauvreté en Afrique : un réexamen appliqué au Burkina Faso Jean-Pierre Lachaud (*)
Fondée sur les enquêtes prioritaires auprès des ménages de 1998 et de 2003 , l '' étude met en évidence l '' ampleur du travail des enfants – 44,1 pour cent des enfants de 5-14 ans sont “ économiquement actifs ” en 2003 , un ratio comparable entre les filles et les garçons , sauf pour le groupe d '' âge de 10-14 ans où les premières sont désavantagées –, et examine l '' impact de la pauvreté sur ce phénomène . Deux principales conclusions en résultent . Premièrement , l '' hypothèse de l ''” axiome de luxe “ semble relativement robuste . Un modèle probit bivarié montre que , toutes choses égales par ailleurs – en particulier , en contrôlant par les effets fixes des 45 provinces –, la proportion des enfants de 5-14 ans économiquement actifs est nettement supérieure dans les ménages “ pauvres ”, comparativement aux ménages “ non pauvres ” . En même temps , les privations monétaires réduisent la probabilité de scolarisation , et une relation inverse entre la fréquentation scolaire et la participation des enfants au marché du travail prévaut . De même , une analyse économétrique spatiale en termes de régimes spatio-temporels , fondée sur un modèle auto-régressif mixte inhérent aux 45 provinces , montre que la pauvreté régionale , appréhendée par les indices FGT , affecte positivement le taux régional de participation des enfants de 10-14 ans au marché du travail . Un résultat analogue prévaut en 2003 pour les enfants âgés de 5-14 ans , mais les élasticités sont un peu plus élevées . Deuxièmement , la prise en compte de la vulnérabilité des ménages , c '' est-à-dire le risque de pauvreté , renforce l '' argument de la gestion du risque : le travail des enfants peut être le reflet d '' une stratégie des ménages visant à minimiser le risque d '' interruption du flux des ressources . L '' étude montre que la variabilité du niveau de vie , mesurée par la variance des dépenses en termes de pauvreté transitoire , rehausse la probabilité de travail des enfants , tout en réduisant les chances de scolarisation , comparativement aux ménages situés en dessus de la ligne de pauvreté , alors que la vulnérabilité des familles pauvres , imputable à une faiblesse chronique des dépenses – pauvres durables –, n '' affecte pas la propension au travail des enfants , et , dans certains cas , leur scolarisation , par rapport aux groupes les plus aisés . De même , l '' analyse économétrique spatiale vérifie que , quels que soient les groupes d '' âge retenus , la variation régionale de la pauvreté durable est sans effet sur l '' incidence du travail des enfants , contrairement à la pauvreté transitoire . De tels résultats doivent être rapprochés , d '' une part , de
(*) Responsable du Groupe d ’ économie du développement (Lare-Efi ), Université Montesquieu-Bordeaux IV -France . E-mail : lachaud @ u-bordeaux4 . fr
Accepté le 3 septembre 2006 . Économie et Prévision n ° 186 2008-5
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