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Le stade Yves-du-Manoir (Colombes)

Des Jeux olympiques, une Coupe du monde de football, quatre-vingt-un matches de l'Equipe de France, quarante-deux finales de coupe de France... Palmarès impressionnant pour un seule et même stade : le stade de Colombes, dont les jours sont désormais comptés.

Colombes, capitale olympique

Le premier stade de Colombes est inauguré le 24 mai 1907. Le quotidien Le Matin rachète à l'époque un hippodrome et y fait aménager les tribunes existantes. Le but est d'attirer les habitants de la capitale toute proche le dimanche, depuis peu chômé, pour assister à des rencontres de sports collectifs (rugby, football association). Les sportifs des différentes disciplines pratiquées par les clubs locaux, en particulier le Racing Club de France, prennent naturellement possession des lieux. L'équipe de France de football y passe : en 1908, elle y est battue par la Belgique (2-1) devant 498 spectateurs, puis de nouveau par l'Angleterre amateurs en 1913 (2500 spectateurs). Après-guerre, elle bat cette fois-ci la Belgique (2-1, buts de Louis Darques et Jules Dewaquez, tous deux de l'Olympique de Paris) devant 20 000 personnes.Quant au XV de France, il vient à Colombes plusieurs fois, à partir de 1908 (1er janvier, défaite contre l'Angleterre 19 à 0).

En 1924, Paris doit accueillir pour la seconde fois les Jeux Olympiques. La fête doit être la plus belle possible, et la ville de Paris décide dès 1921 de la construction d'un grand stade : les plans se succèdent, tous plus ambitieux les uns que les autres. Mais, treize mois avant le début des compétitions, rien n'est encore fait. Devant la menace brandie par le CIO de déplacer les JO à Los Angeles, le Racing Club de France, qui prévoit d'améliorer ses installations, se voit attribuer en catastrophe une subvention de l'État pour construire rapidement ce qui sera le stade olympique. Une arène de 45 000 places est ainsi érigée, les délais sont respectés (un match de rugby France-Roumanie est prétexte à l'inauguration, le 4 mai 1924 : score final 59-3), et le président Gaston Doumergue ouvre les Jeux le 5 juillet 1924.

La VIIIe Olympiade se déroule sans accroc, au contraire, elle devient, peut-être pour la première, fois un grand événement international : le nombre de pays participants passe de 29 à 44, la fréquentation impressionne (625 000 spectateurs), la presse s'en empare (1 000 journalistes, première radiodiffusion), et le protocole olympique prend cette année-là la tournure rituelle qu'on lui connaît aujourd'hui, avec l'adoption d'une devise (Citius, altius, fortius), du rituel des trois drapeaux lors de la clôture, et la construction d'un village pour les atlhlètes. Le stade de Colombes est le cadre de belles victoires, notamment celles des finlandais Ville Ritola (quatre médailles d'or, deux d'argent) et Paavo Nurmi (cinq médailles d'or) : le 10 juillet, celui-ci étonne le public de Colombes puisque, premier au 1 500m, il prend cinquante-cinq minutes plus tard le départ du 5 000m et le remporte ! En rugby, le tournoi s'achève par une bagarre générale, pendant la finale, le 18 mai : les Américains remportent la victoire facilement grâce à leur meilleure préparation (17-3), mais les 40 000 spectateurs, pour la plupart supporters français, ne comprennent pas la déroute des leurs. Certains pénètrent sur la pelouse, et s'en prennent aux joueurs américains et à leur drapeau. Leurs vestiaires sont même dévalisés... Après ces incidents, le rugby est définitivement banni des J.O. !

Les jeux de 1924 sont aussi l'occasion pour le stade de Colombes d'étrenner son nouveau terrain de football association, à l'occasion du tournoi olympique de la discipline. L'Uruguay domine la compétition dès l'ouverture (France-Uruguay : 1-5), en grande partie grâce à son meneur de jeu talentueux, Andrade. La presse française, qui découvre à la fois le football sud-américain, et le fait que des noirs jouent au football, le surnomme rapidement "la merveille noire". José Leandro Andrade, comme la majorité de ses coéquipiers, en particulier le défenseur José Nasazzi et les attaquants Héctor Scarone et Pedro Petrone, est issu du football de rue uruguayen, il est jeune (23 ans), et l'élégance de son jeu fait fureur.

1938 : l'Italie championne du monde

Le football devient dès lors à la mode, dans toute la France, et notamment à Colombes, dont le stade est rebaptisé en avril 1928 du nom d'Yves du Manoir (aviateur et international de rugby, membre du RCF, mort en janvier 1928 à 23 ans). En 1930, le Racing atteint sa première finale de coupe de France, perdue 3-1après prolongations face à Sète (après une blessure du gardien parisien, qui selon les règles de l'époque ne pouvais pas être remplacé). Il remporte dans le même temps le championnat de Paris, en 1931 et 1932. C'est alors que se joue le premier championnat professionnel français, sous l'impulsion de Gabriel Hanot et Emannuel Gambardella. Pour ne pas faillir à son principe amateur, le Racing club de France se sépare de sa section de football, qui devient un club professionnel sous le nom de Racing club de Paris. Le stade Yves-du-Manoir de Colombes sera son domicile (même si dans les faits le Parc-des-Princes l'accueille plus souvent). Les résultats suivent : champion de France en 1936, et vainqueur de la coupe (qu'il joue à domicile, le stade de Colombes l'organisant alors chaque année) en 1936, 1939 et 1940, puis après-guerre en 1945 et 1949 (et finaliste malheureux en 1950, battu 2-0 par le Stade de Reims devant 61 722 spectateurs).

Dans le même temps la France organise la troisième Coupe du monde de football en 1938 : le stade de Colombes, qui joue à l'époque le rôle de stade national (accueillant la plupart des rencontres de l'équipe de France et les finales de coupe de France) est immédiatement désigné pour accueillir des matches, notamment la finale. La capacité en est alors portée à 60 000 spectateurs. Le contexte annonce alors la guerre : les joueurs italiens, auxquels Mussolini avait ordonné de "vaincre ou mourir", saluent à la manière fasciste avant les matches ; la "Wunderteam" d'Autriche a été éliminée par l'Anschluss du 12 mars ; la guerre civile fait rage en Espagne qui renonce à participer ; par ailleurs certains pays sud-américains (dont l'Uruguay) sont absents, boycottant une compétition qui aurait dû, selon eux, être organisée par l'Argentine (douze des quinze participants sont donc européens). La France, malgré son ailier droit Fred Aston ("le feu follet") est éliminée prématurément en quart de finale par l'Italie, à Colombes. Le brésilien Leonidas ("le diamant noir") fait le spectacle, avec des dribbles à n'en plus finir, et sept buts (meilleure performance du tournoi) dont un les pieds nus lors d'une victoire contre la Pologne, à Strasbourg (6-5 après prolongations) : le joueur n'était pas satisfait de la pelouse. Mais l'entraîneur brésilien, Adheniar Pimenta, décide de ne pas faire jouer Leonidas en demi-finale contre l'Italie, pour qu'il se repose avant la finale : mauvais calcul, le Brésil perd 2-1 (à Marseille). La finale oppose donc, à Colombes, l'Italie à la Hongrie : tenante du titre, la Squadra azzura remporte la compétition après une victoire aisée, 4-2, dominée par Meazza et Ferrari, les meneurs de jeu transalpins.

Dès les années 1930, et jusque dans les années 1950, le Racing de René Vignal, Roger Marche (qui rejoint bientôt Reims) et Thadée Cisowski ne joue en fait pas très souvent à Colombes, lui préférant le Parc des Princes, plus accessible par le public. Le stade n'est pas à l'abandon pour autant : avant et après-guerre, il accueille toutes les finales de coupe de France, de 1925 à 1971, sauf en 1938, 1941, 1944, et de 1965 à 1967. Et puis, surtout, on vient y voir l'Equipe de France, qui devient après la seconde Guerre mondiale l'une des plus redoutées. À l'époque de Kopa, Fontaine, Piantoni, devant des affluences qui frôlent souvent les 60 000 spectateurs, les Bleus préparent leur performance du Mondial 1958 à Colombes. Le record d'affluence officiel est alors établi : 62 145 personnes pour la rencontre contre l'URSS de Lev Yashin, le 21 octobre 1956, gagnée 2-1 par la France : les buts sont signés Joseph Tellechea (qui reprend une ouverture de Grillet, 46e) et Jean Vincent (qui marque grâce à un bon relais de Rachid Makhloufi, sur une passe de Jean-Jacques Marcel, 54e), contre un but d'Isaiev (64e). Le record d'affluence officieux serait quand à lui de plus de 63 000 personnes, pour un match d'appui de quart de finale de Coupe des Champions, entre l'Ajax et le Benfica, le 5 mars 1969. Le rugby est également le bienvenu à Colombes : l'équipe du Racing club de France s'y illustre, ainsi que le XV de France, fréquemment, pour disputer certaines rencontres du Tournoi des V nations (le Parc-des-Princes accueillant aussi une partie des matches, avant qu'elles n'y soient toutes jouées dans le nouveau Parc-des-Princes, à partir de 1971). Le stade Yves-du-Manoir est alors réputé pour sa pelouse boueuse, qui empêche fréquemment de distinguer les deux équipes en fin de rencontre : cela n'empêche pas la France de remporter son premier Tournoi des V nations en 1954 (puis 1955, 1959, 1960, 1961, 1962).

Un titre perdu "à 18 millièmes"

Revenons au Racing club de Paris (qui se partage toujours entre Colombes et le Parc-des-princes) : relégué en D2 en 1953, il met les bouchées doubles pour revenir à son meilleur niveau, pari réussi dès 1954. Dès lors, il lutte avec courage pour occuper les premières places, grâce à un jeu extrêmement offensif, concurrençant notamment le Stade de Reims, les rencontres entre les deux équipes représentant les sommets de la saison française. L'attaque du Racing, soutenue par son meneur de jeu Joseph Ujlaki, est fréquemment la meilleure du championnat, et établit un record du genre en 1958-1959, avec 118 buts sur l'ensemble de la saison ! Mais le Racing finit deuxième en 1961 et 1962, manquant de justesse la victoire à ces deux occasions, devancé d'un point par l'AS Monaco en 1961, et à égalité de point avec Reims en 1962. Malgré une victoire 2-1 à Monaco lors de la dernière journée, c'est le Stade de Reims (victorieux de Strasbourg, 5-1) qui empoche le titre : avec la même différence de buts et une meilleure attaque, le Racing reste derrière le Stade de Reims, le goal-average étant alors calculé en divisant les buts marqués par les buts encaissés. 18 millièmes seulement font la différence. Un but sur toute une saison...

L'équipe nationale, elle, fréquente toujours le stade olympique de Colombes. Ainsi, le 28 avril 1963, la France accueille le Brésil à Colombes lors d'un match fort en émotions : Pelé ouvre le score, à la 30e, pour les Brésiliens. Puis, à la 70e, sur une passe en retrait de Robert Herbin, Maryan Wisnieski aux seize mètres crucifie le portier adverse. Mais le Brésil à des ressources, en la personne de Pelé : il redonne l'avantage aux siens six minutes plus tard, sur penalty (76e). Les Français s'accrochent et Fleury Di Nallo s'infiltre dans la surface à la 82e pour mettre au fond un centre venu de l'aile droite, des six mètres, et de Yvon Douis. On croit que alors que la France a sauvé l'honneur. Il faudra tout le génie de Pelé pour donner la victoire au Brésil (84e). La France battue par Pelé...

Nous sommes au début des années 60 : Saint-Etienne et Nantes viennent de monter pour prendre le relais, et les équipes les plus glorieuses de l'après-guerre descendent. Le Stade de Reims en 1965, le Racing la saison précédente. Pourtant, c'est en 1963-1964 que le RCP joue la seule coupe d'Europe de son histoire, sur invitation : la Coupe des villes de foire, qui préfigure la coupe de l'UEFA (élimination par le Rapid de Vienne au premier tour, 1-0 à Vienne, 2-3 au Parc-des-Princes). Le Racing s'enfonce ensuite inéluctablement : 17è de D2 en 1965-1966, il doit abandonner le professionnalisme. Il tente alors une opération de sauvetage, en fusionnant avec le club de Sedan : le RCP-Sedan évolue lors de la saison 1966-1967 en première division, joue ses matches à Sedan, et termine en milieu de tableau. Mais la greffe ne prend pas, le RCP revient sur ses terres, laissant la D1 à Sedan, et abandonne le professionnalisme. C'est la fin du Racing club de Paris, qui est repris par le Racing club de France, et joue pendant toutes les années 1970 à Colombes, naviguant entre la DH et la D3.

Le football professionnel semble d'ailleurs bientôt déserter Colombes, l'équipe de France le délaissant de plus en plus : elle n'y vient pas entre 1964 et 1971. Coïncidence : lors des deux matches, à sept ans d'intervalle, la France perd en qualifications pour le Championnat d'Europe des Nations, contre la Hongrie (3-2 en 1964, 2-0 en 1971). Enfin, la France ne reviendra que pour un dernier match à Colombes : le 26 avril 1975, devant 24 816 personnes, le Portugal remporte un match amical, 2-0 (Nené à la 21e, Marinho à la 64e). Le Parc-des-Princes, reconstruit en 1972, a désormais le statut de stade national. Il accueillera également désormais toutes les rencontres du XV de France, qui remporte avant de partir de Colombes le Tournoi des V nations en 1967, 1968 (premier grand chelemn français) et 1970.

L'épisode Matra

L'espoir renaît en 1982 : Jean-Luc Lagardère investit dans le Racing au début des années 1980. Le club, redevenu Racing club de Paris, retrouve le statut professionnel et joue ses matches de deuxième division de 1982 à 1984 à Yves-du-Manoir, retrouvant son public (45 000 personnes lors des matches de barrage en fin de saison). Mais, remonté en D1 en 1984, le Racing (qui devient le Matra-Racing en 1987) déménage au Parc-des-Princes, toujours pour des problèmes d'accessibilité. Il ne réintègre Yves-du-Manoir qu'en descendant en D3, à partir de 1990. Depuis lors, le club, devenu Racing 92, joue dans un stade au délabrement de plus en plus visible, le Racing club de France étant incapable de l'entretenir. Une grande partie du stade est d'ailleurs démolie en 1993, pour cause de vétusté (aucune rénovation d'envergure depuis 1938). Seule l'une des deux tribunes latérales est conservée. Le stade olympique n'est qu'un souvenir. En 1998 se produit d'ailleurs ce qui aurait peut-être dû se produire auparavant pour sauver le monument : le RCF décide de vendre Yves-du-Manoir. Un projet de la Fédération Française de Rugby (qui voulait y établir son centre technique national) est rapidement abandonné, et c'est le conseil Général des Hauts-de-Seine qui projette d'acquérir le monument en 1999. Il faudra pourtant encore trois ans, et que l'illusion de deux investisseurs miraculeux s'évapore à son tour (les nouveaux dirigeants du RCP, en 1999, puis un promoteur, pour y construire un parc de loisirs, en 2001). Le Conseil Général vote donc en juin 2002 le rachat du stade Yves-du-Manoir.

Le projet du conseil général des Hauts-de-Seine est ambitieux. Sur l'emplacement d'Yves-du-Manoir, c'est un palais omnisports de 20 000 places, avec toit amovible, qui sera construit. "Un pendant de Bercy avec 20 ans de moins dans la conception " annoncent les concepteurs. Ambition : accueillir en 2012 les Jeux Olympiques, auxquels Paris est ville candidate. La boucle serait alors bouclée. Cependant, le stade olympique de Colombes, véritable Wembley français, construit la même année, qui comme son homologue britannique a été stade olympique et a accueilli une finale de Coupe du monde, n'aura pas non plus été épargné.

 

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