Titan: Maurice Taylor, ce patron détonnant
ARCHIVES – Cash et parfois un peu rustre, le patron de Titan qui pourrait reprendre l’usine d’Amiens Nord de Goodyear, n’en est pas à son coup d’éclat en France...M.P.
Le fabricant américain de pneus Titan International a fait une nouvelle offre de reprise partielle pour le site de Goodyear à Amiens Nord, a annoncé ce lundi Arnaud Montebourg. Sauf que le patron de Titan, Maurice Taylor, a démenti dans la foulée toute offre. «Je ne suis au courant de rien en relation avec votre pays de vins formidables et de belles femmes», a-t-il lâché dans son style si fleuri. Car ce n’est pas la première fois que Maurice Taylor se prend le bec avec la France, et notamment Arnaud Montebourg. 20 Minutes fait le point.
Que s’était-il passé avec Arnaud Montebourg?
En pleine négociation pour la reprise du site Amiens Nord (déjà) en février dernier, Maurice Taylor avait envoyé une lettre à Arnaud Montebourg pour expliquer pourquoi il n’était pas intéressé par l’usine et ses «soi-disant ouvriers». «Les salariés français [de l’usine] touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l'ai dit en face aux syndicalistes français. Ils m'ont répondu que c'était comme ça en France», avait-il par exemple écrit le 8 février 2013. «Pensez-vous que nous sommes stupides? Titan a l’argent et le talent pour produire des pneus. Qu’ont les syndicats fous? Ils ont le gouvernement français», avait-il également grogné.
Autre type de propos polémique et bien clichés tenus par le patron, lorsqu’il est revenu sur l’affaire de la lettre: «Je reviens d'Australie, j'y ai rencontré de jeunes Français et Espagnols qui y ont déménagé parce qu'il pouvaient y trouver du travail. C'est pour ça qu'en France, bientôt, tout le monde sera assis dans des cafés à boire du vin rouge mais on ne gagnera plus d'argent», conclut Taylor qui souhaite que la France «déroule le tapis rouge aux investisseurs», ce qui passe par écarter les syndicats.
Comment avait réagi Montebourg?
Arnaud Montebourg avait envoyé une missive à l’Américain. Et lui aussi, n’y était pas allé par quatre chemins. «Vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite de ce qu'est notre pays, la France, de ses solides atouts, comme de son attractivité mondialement reconnue et de ses liens avec les Etats-Unis d'Amérique», écrit le ministre du Redressement productif qui, lui aussi, fait dans la méchanceté gratuite en ironisant sur la taille de Titan «20 fois plus petite que Michelin». Il menace également, en avertissant le PDG que ses services surveilleront «avec un zèle redoublé vos pneus d'importation» afin d’en vérifier le respect des normes applicables en matière sociale, environnementale et technique.
Qui est Maurice Taylor?
A 69 ans, le patron de Titan international est surnommé «The grizz» (le grizzly) tant pour son mauvais caractère, que ses mauvaises manières et sa rudesse dans les négociations. Plutôt fier de ce surnom, il en a même fait l’emblème de son groupe et son site Internet accueille le visiteur par un grognement d’ours. Pour Forbes, c’est un homme «au tempérament chaud et brut de décoffrage». Son coup de sang médiatique en France? Aux Etats-Unis, c’est presque une habitude tant il multiplie les déclarations à l’emporte-pièce. Dans les années 90, il se paie un clip pour encourager ses compatriotes à consommer US. Et moquait déjà les Français : «Mettre un pneu Michelin à votre tracteur, c’est comme mettre un béret sur un cow-boy», explique-t-il. Candidat malheureux aux primaires républicaines en 1996, il avait recueilli seulement 1% des suffrages avec un programme ultralibéral: réduire d’un tiers le nombre de fonctionnaire et couper les aides publiques. L’Etat, sous toutes ses coutures, lui donne de l’urticaire et est la cible de ses principales critiques.
Si son père travaillait dans la sidérurgie, lui a choisi le pneumatique et s’est construit un empire dans les années 80 en ayant pour spécialité de racheter des entreprises qui sont en difficulté. En 2006, l’homme d’affaires reprend ses habits d’homme politique et se paie une page de publicité dans USA Today pour décliner ses propositions pour relancer les Etats-Unis: on y trouver par exemple la fermeture des écoles de droits pendant dix ans, rendre obligatoire le service militaire, l’interdiction de poursuites judiciaires pour faute professionnelle dans le secteur médical dans le but de limiter la hausse des coûts de la santé, par exemple. Il récidive en 2010, en donnant des conseils à Barack Obama pour relancer le pays, sur le même thème. De toute façon, il l’a promis: si Obama est réélu en 2012, il se représente en 2016 pour «nettoyer cette pétaudière». Obama a réussi sa réélection, Maurice Taylor échouera-t-il une nouvelle fois?