Jérôme Pécresse, le mari de Valérie
© Vincent Capman
Dans les hautes sphères de l’Etat, on parle beaucoup des « femmes de ». Mais qui sont les « hommes de » ? Cet été, Match mène l’enquête.
Le discret Jérôme Pécresse est réticent à l’exercice. « Je ne vis pas du tout comme un mari de ministre. Notre vie personnelle n’a quasiment pas été affectée », explique-t-il. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche confirme : « C’est tout sauf un prince consort. Il ne m’accompagne pas partout. Plutôt que de venir dans un meeting, il préférera toujours rester avec les enfants. Nous avons des vies professionnelles très séparées. »
En effet, Jérôme Pécresse est directeur général délégué d’Imerys. Cette entreprise – 17 000 salariés et une capitalisation de 3,2 milliards d’euros – compte parmi les leaders mondiaux de la production et de la transformation des minéraux industriels. Il y est entré il y a douze ans, recruté par Patrick Kron, polytechnicien comme lui, alors patron. « J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec lui. Dynamique, il a énormément d’idées », confie celui qui est devenu P-DG d’Alstom.
« Ce pur produit du système académique français », tel qu’il se définit, grandit à Versailles – où le couple habite toujours – dans une famille de profs de lettres, avec un frère aîné aujourd’hui éditorialiste aux « Echos ». Pendant les soirées étudiantes sur le plateau de Saclay, il croise Valérie Roux, élève à HEC et future énarque. Ils se retrouvent plusieurs années plus tard. « Je vais à un mariage persuadé que mon copain va épouser Valérie. En fait, elle était témoin. Ce fut un coup de foudre », se souvient-il. Dans la foulée, ils se marient le 6 août 1994, en Corrèze, sur la terre de la famille Pécresse. « C’est apparu comme une évidence, nous nous croisions depuis des années, explique Valérie Pécresse. Les décisions les plus importantes ne sont pas forcément celles que l’on met le plus de temps à prendre. Nos amis, surpris, nous donnaient six mois. En guise de félicitations, ils me souhaitaient bonne chance. Nous sommes mariés depuis seize ans... » Baptiste, l’aîné de leurs trois enfants, naît deux ans plus tard.
Auditrice au Conseil d’Etat, Valérie Pécresse décide de se lancer en politique en 1998. Elle entre à l’Elysée et devient conseillère technique pour les technologies de l’information : le président connaît bien sa famille. Son grand-père, le neuropsychiatre Louis Bertagna, ancien résistant et médecin de Malraux, a également eu Laurence, l’aînée du couple Chirac pour patiente. La même année, Jérôme Pécresse quitte la finance pour l’industrie : « Au début, c’est moi qui travaillais énormément. Aujourd’hui, j’ai davantage le contrôle de mon emploi du temps qu’elle. Cela s’inversera peut-être un jour. » Diane Segalen, vice-présidente du cabinet de chasseurs de têtes CT Partners, l’a rencontré à cette époque : « Il était un jeune et brillant banquier d’affaires de 28 ans quand je lui ai proposé un poste dans la finance.
Il a décliné, m’expliquant que ce refus était une décision de couple, liée aux ambitions politiques de sa femme et à leur désir d’avoir d’autres enfants. Jamais personne ne m’a fait part d’un tel choix, aussi clairement assumé. » Rien que de très normal selon lui : « J’essaie de soutenir ma femme pour qu’elle s’épanouisse dans sa carrière. La politique est une ascèse qui serait impossible sans le soutien du conjoint. » Sa femme, elle, loue son côté Pygmalion : « Il est le plus féministe de nous deux. Sans lui, je ne me serais pas sentie capable d’aller jusqu’au bout. »
Jérôme Pécresse et la politique ? Sa réponse fuse : « Je n’ai jamais réussi à être élu délégué de classe ! J’aime être jugé sur des performances rationnelles et mesurables. » La droite semble avoir mis du temps avant de le convaincre. Aux réunions, tous les deux mois, de 30.com, un club de trentenaires prometteurs qui recevaient de célèbres invités, « Jérôme était favorable à l’intervention de l’Etat dans l’économie », se souvient Diane Ségalen. Valérie Pécresse en parle librement : « Je ne l’ai pas épousé en me disant que j’allais le changer. Nous évoluons et grandissons ensemble.
C’est un réformiste plutôt de gauche, qui a été séduit par le discours et le courage de Nicolas Sarkozy. »
Leur vie quotidienne évite l’improvisation. Ils organisent leur emploi du temps trois mois à l’avance et sollicitent leurs parents et amis pour s’occuper de Baptiste, Clément et Emilie. Mais quand ils se retrouvent, ils font tout « pour ne pas laisser le stress entrer à la maison ». Il lui offre des livres, lui fait découvrir Bret Easton Ellis, Tom Wolfe et d’autres écrivains américains, ils cuisinent ensemble. Dès que ce joueur de tennis aura plus de temps libre, il reprendra les tournois de bridge. Ancien champion de France universitaire, il a fait ses calculs : « A 43 ans, j’en ai encore quinze pour progresser. » Tout dépendra de l’ascension politique de Valérie.